Les pépites d’un curé déconfiné

Derrière le confinement, la vie et le travail se poursuivent comme à guichets fermés. Ce travail va de la mise en ordre des dossiers administratifs à tout ce qui, en temps ordinaire, ne pouvait être possible. Soudainement, ce temps de confinement marque un arrêt au train-train de vie d’un curé souvent pris dans le tourbillon de la « réunionnite » ! En contrepartie, je m’adonne à la lecture, délecte avec intensité la vie de prière personnelle et communautaire. La louange et l’intercession s’accordent au diapason de l’actualité et des intentions qui nous parviennent. Heureusement que les nouvelles technologies se révèlent des alliés efficaces pour maintenir le lien et cultiver la proximité. Par elles, je me sens toujours relié au battement du cœur de notre Unité pastorale !

Mon nouveau « puits de Jacob »…

Grâce au soleil du printemps, il m’arrive de temps en temps de m’entretenir avec l’un ou l’autre passant. Assis sur les murets à l’entrée de la cure, ce lieu ordinaire, devient par moment, mon « puits de Jacob » (Jn 4, 6) non parce que Jésus et la samaritaine y sont revenus y puiser de l’eau mais parce que j’y expérimente la joie de croiser l’inattendu des visages (in)connus. Un simple bonjour chaleureux suffit pour déconfiner la parole et tisser des liens hors de l’autel.

Ils, elles poussent les portes de l’église…

Discrète et intime, une nouvelle relation avec Dieu se consolide. Baladeurs en solo, tourtereaux heureux ou familles en promenade, n’hésitent pas à franchir allègrement les portes de nos églises. Certes, une église est un patrimoine architectural de grande valeur. Plus qu’un patrimoine architectural et, ces jours-ci, au vu des nombreux visiteurs, elle m’apparaît comme une « oasis du silence », un espace de « cœur à cœur » avec Dieu, une « petite station » pour se ravitailler et faire le plein spirituel. Leurs petites touches florales et décorations pascales chantent continuellement « Alléluia » !

Parmi ce flux de visiteurs, une heureuse petite « princesse » dans sa poussette ne fait pas l’économie des bisous à Jésus. Ses bisous à Jésus sont « l’hymne à l’amour » (1Co 13, 4-7) de ceux qui l’aiment et lui apprennent à aimer au quotidien. Quant à ses parents à la fois heureux de passer plus de temps avec leurs petits bouts de chou, ils me confient : « comme c’est épuisant de veiller 24H/24H sur les enfants et de concilier le télétravail avec la gestion de la famille ! » Ce petit moment de partage vaut tout son pesant d’or d’autant qu’il décompresse, libère le cœur asphyxié, laisse place à la joie de la rencontre et rend réel le déconfinement relationnel. Il me fait immerger dans cette dure réalité des familles confinées.

Violons  et violoncelles sur le parvis de l’église Notre-Dame-des-Grâces !

Si l’on peut nous confiner, il est difficile de confiner l’imagination, la créativité, la passion et la générosité ! C’est le cas de trois de nos jeunes : Henry, Marguerite et Camille Delogne. Ces jeunes artistes talentueux, perchés sur le parvis de l’église Notre-Dame-des-Grâces, ont surpris par deux fois les riverains autant que les passants, en offrant deux magnifiques et gracieux concerts. Dans le prolongement des applaudissements auxquels se mêlent les cloches de nos églises, je découvre en eux, de fins psychothérapeutes de groupes ! Par leur génie musical, ils arrachent nos esprits et nos âmes à l’isolement et les font s’évader au pays des douces mélodies. À chaque morceau exécuté avec virtuosité, fusent des applaudissements et des encouragements aussi bien des riverains que des chanceux passants. Fabuleux !

Une floraison d’initiatives de solidarité…

La jeunesse de la Caté-Pizza n’est pas en panne d’idée ! Tantôt elle s’exerce à jouer non pas aux « Top chefs » et pas moins qu’à d’excellents pâtissiers des douceurs (cakes salés, craquelins au cheddar accompagnés d’un petit message d’encouragement) pour le personnel soignant des cliniques St-Luc. Une manière originale de participer aux applaudissements citoyens. Un franc succès ! Cette même jeunesse s’est mobilisée autour de l’opération « semis » de légumes en potager suspendu. D’initiative en initiative, elle participe, à travers son réseau WhatsApp, à la campagne « Run4forunity », un défi sportif de charité – à l’initiative de la communauté de Focolare) afin de lever des fonds pour lutter contre la faim et œuvrer à l’égalité des chances. Leur effort soutiendra « Crianças do mundo » au Brésil – en parcourant, chacun(e) 5 km ! Les jeunes termineront leur défi sportif ce dimanche 04 mai par la communion de prière et s’envoient une photo de l’horloge à  midi pile !

Çà et là, plusieurs paroissiens (re)découvrent leurs talents de couturiers de masques « top model » sous un label de solidarité. Les frères et sœurs franciscains du Chant d’Oiseau se comptent aussi avec joie parmi les bénéficiaires.

Conscient que la faim n’attend pas le déconfinement, notre Centre de distribution de l’Unité pastorale s’est activé pour assurer à nos frères et sœurs en situation limite, quelques « colis alimentaires » ou mieux encore « colis d’espérance ».

Nos petites bougies d’espérances…

La petite bougie de l’espérance est celle qui veille humblement et irradie de sa petite flamme éternelle. Grâce à une chaîne de paroissiens disponibles et dévoués, nous pouvons rester reliés les uns aux autres. À leurs côtés, je me laisse édifier par l’équipe de gestion du deuil, celle du Deuil et Espérance de notre Unité pastorale. Être à l’écoute des familles éprouvées, les soutenir et les accompagner dans le strict respect des contraintes imposées, me donne de voir en vous la figure de « Véronique » occupée à essuyer les larmes de Jésus sur nos visages.

Tous ces gestes et faits confirment l’intuition du théologien protestant Dietrich  Bonhoeffer : « Dieu n’est pas seulement dans le fondamental, mais aussi dans le quotidien ».

En définitive, les pépites d’un curé confiné c’est finalement, l’ensemble du Peuple de Dieu qui s’assume, déploie la fécondité d’une foi incarnée, devient collectivement berger, prend mutuellement soin, téléphone, écrit, encourage ses frères diacres et prêtres. Le déconfinement relationnel c’est maintenant. Laissez-moi vous dire que j’ai hâte de revoir vos visages, d’entendre vos voix, bref de nous revoir face à face !

Benjamin Kabongo ofm
Un curé déconfiné !

Bruxelles, le 01.05.2020