La Réconciliation : pour en savoir plus

Pécher

Le verbe hébreux qui exprime le péché est le même que celui qui désigne pour un archer le fait de rater sa cible.
Pécher, c’est « rater », se rater : le péché est un échec.
Ma cible ? La relation ! Vivre selon l’Image de Dieu et pour sa ressemblance, lui qui est Le Relationnel.

Le péché est erreur de l’homme, faute de sens, d’éthique dans sa vie d’homme vis-à-vis de lui-même ou d’autres hommes: raté d’une harmonie, d’une relation, par mépris, convoitise, haine de soi ou des autres. Le péché est en quelque sorte auto-destruction, refus de plénitude, manque à soi et à autrui. Le péché ne peut en aucune façon être compris comme une désobéissance à une loi !

Évitons le vocable péché et préférons lui erreur de jugement, erreur de comportement !
Réprouvons la culpabilisation à laquelle l’Église a trop souvent recours comme instrument de chantage et de domination.

Pardonner

« Pécher» en grec, c’est rater son objectif, manquer son but. Chacun peut pécher contre son frère non en lui voulant volontairement du mal mais en ratant son but, en étant mauvais interlocuteur, piètre communicateur, en adoptant un comportement inadéquat, en devenant momentanément invivable. Tout cela peut affecter énormément la qualité de la relation à autrui.

En Matthieu 18, il est question de «REMETTRE» les offenses. Remettre en place, à sa juste place en trouvant la bonne distance, apprendre à se remettre en phase avec son conjoint, son frère. «REMETTRE» évoque aussi la remise de dette, ce dont il est question dans la parabole du débiteur impitoyable (Mt 18, 23-35). Le roi, dont parle la parabole, remet la dette à son serviteur alors que celui-ci refuse catégoriquement de la remettre à son compagnon. Jésus enseigne que Dieu ne peut pardonner à celui qui ne pardonne pas à son frère et que, pour demander le pardon de Dieu, il faut d’abord pardonner à son frère. Jésus insiste et pour nous empêcher d’oublier cette réalité, il nous la fait proclamer chaque jour dans le «Notre Père» (Mt 6,14). Le pardon n’est donc pas seulement une condition préalable à la vie nouvelle du Royaume mais il en est un des éléments essentiels. Jésus indique à Pierre qu’il faut pardonner indéfiniment et inlassablement.

Le pardon est remise de dette, reprise du dialogue, sans oubli du mal accompli, sans en minimiser l’importance mais il est remise sur pied, il remet debout, il fait renaître un relationnel juste. Il est signe que le mal qui crée une blessure peut être dépassé et ouvrir un nouveau chemin d’espérance. La pointe de cette parabole est de mettre en évidence que notre relation entre frères, entre conjoints est en lien étroit avec notre relation à Dieu. Le vrai pardon, tellement difficile, suppose un vrai dialogue où l’un souhaite et demande le pardon et où l’autre l’accorde et le donne du plus profond de son cœur. C’est croire que l’amour peut être plus fort. « Va, désormais ne pèche plus ». (Jean 8, 11 ; 5, 14). Dieu n’attend pas que NOUS CHANGIONS POUR NOUS PARDONNER mais IL NOUS PARDONNE POUR QUE NOUS CHANGIONS.

Le pardon apporte la paix, remet debout après la nuit et rétablit l’union, la relation.

Raymond Huysgens

Le péché ne désigne pas ce qu’on a mal fait, mais ce qu’on n’a pas fait de bien. Quand on a la possibilité de nourrir, de donner de l’eau, de rencontrer le visage de l’autre, si on ne le fait pas, alors, on ne rencontre pas le Christ. Apprendre à voir le visage de l’autre comme une promesse, à nous situer dans une «reliance» pleine de tendresse et de bienveillance, voilà ce qui donne de voir la présence mystérieuse de Dieu.

Le jugement se fera sur nos gestes de bonté humaine et pas sur nos appartenances religieuses. Jésus parle d’un agir qui culmine dans un acte de proximité à l’autre où il n’y a plus rien de religieux. Il n’y a pas d’autres critères qui rendent juste: être proche de celui qui souffre. Pour rien. Gratuitement.

Dominique Collin 

Le canapé ou le confessionnal ?

Les chemins de la psychologie et de la religion se croisent, mais sans se confondre. Si la psychologie organise une vision du psychisme humain, la religion prétend le toucher. En effet, anges et diables ne sont-ils pas des projections de puissances intérieures qui enchantent ou hantent l’inconscient humain?

Si la notion de péché appartient au domaine religieux, la psychanalyse s ‘intéresse ci la faute et ci la culpabilité. Mais peut-on dire pour autant que e canapé du psychologue est du même bois que le confessionnal?

L’analyste n’est pas un confesseur et le confesseur n’est pas un analyste!

Qu’est-ce qui les différencie ?

Dans son émission Tout autre chose’, Martine Cornil recevait Dominique Collin, frère dominicain, et Vanessa Greindl, psychanalyste et psychotherapeute, pour un entretien sur la notion de culpabilité en psychanalyse et au sein de l’Église. Un entretien à bâtons rompus et langues déliées! En voici quelques points d’orgues, qui secouent et qui enchantent.

Question: N’est-ce pas une caricature de dire qu’au moment ou les confessionnaux se vidaient, les cabines de psychologues se remplissaient?

De. Au confessionnal, les gens pouvaient raconter leur vie, décharger un certain nombre de choses, recevoir un conseil spirituel. Le confessionnal était le lieu ou se vivait un temps d’écoute.

  1. La psychanalyse va plus loin. S’il y a écoute, c’est pour un travail d’analyse! À travers le cadre des consultations, la régularité, etc…, il y a une remise en place de traversées vécues dans l’enfance. Ceci n’est pas le fait du confessionnal. Si même il y a transfert, le confessionnal n’est pas le

lieu d’un travail sur le transfert.

DC Ce qui est semblable, c’est l’écoute. Une bonne écoute est une écoute qui ne prend pas le pouvoir sur le patient! Et ceci n’est pas toujours acquis, ni d’un côté ni de l’autre.

Question: La différence ne se situe-t-elle pas dans la notion de culpabilité? Un pénitent vient étaler ses péchés, avec notion de faute, de rédemption, de pardon de Dieu, tandis qu’un patient vient raconter une histoire de vie!

  1. Je perçois une discordance chez bon nombre de croyants entre un vécu infantile et un discours qui parle de plus grande liberté. La religion apparaît comme un ensemble de règles parlant de respect, d’un respect qui empêche de vivre en adulte libre. La foi viendrait remplacer une mère toute puissante! Lacan disait de la religion: «La mère toute. » La religion est comme une matrice qui est là pour donner le sens de la vie, pour penser ce que l’on doit penser.

La psychanalyse se trouve à l’opposé de cette démarche, elle cherche à libérer d’une mainmise pour permettre d’avancer en femme et en homme libre.

  1. Si la confession n’a plus la pratique qu’elle avait, c’est que l’Église a été pensée comme une institution de salut, une garantie pour l’au-delà, un chemin vers le paradis.

Aujourd’hui, il ya un déplacement. L’Évangile nous laisse entrevoir que Jésus n’a jamais dit qu’on puisse changer de monde, mais que l’on peut changer le monde, le monde propre de chaque être humain. Il ne s’agit pas d’un autre monde, mais de notre monde qui peut être transformé.

La démarche de la confession était entendue comme un dépôt de linge sale que l’on reçoit blanc en retour. Ainsi la barrière peut être levée pour le laissez-passer vers le paradis.

Aujourd’hui, ça ne marche plus! La vie n’est plus perçue comme un choix perpétuel entre le bien et le mal. La vie est plus complexe! Elle se partage dans des notions de bonheur, malheur, liberté, contrainte, etc… La démarche d’aujourd’hui ne sera plus une entreprise de lessive, mais un chemin spirituel. Il consiste à amener quelqu’un à faire un travail sur lui

même pour se dégager progressivement d’une gangue, de tous les conditionnements qui l’empêchent de se réaliser. Il s’agit d’un travail d’enfantement à soi, d’un «deviens ce que tu es ». C’est cela l’accompagnement spirituel! Il suppose liberté, écoute, partage.

Question: Dans ce discours, pensez-vous être vraiment représentatif du clergé catholique?

DC À mon sens, l’Église a une théologie de retard et un monde de retard. Ce décalage pose la question: «De quelle religion le christianisme est-il porteur? » Est-<:e d’une religion de salut portée par une institution qui donne des garanties d’ordre moral et dogmatique, avec des replis ou des réflexes identitaires? Dans l’alternative, ne serait-il pas plutôt porteur d’une religion qui se vit dans l’exposition de la vie, dans la séparation, dans la complexité, ou il n’y a pas un unique chemin, mais des chemins de construction de l’humain, et qui demande une sensibilité plus grande à toute la dimension des sciences humaines.

A ce niveau, dans la formation des ecclésiastiques, il y aurait encore un à entreprendre.

Un auditeur considère qu’il est insultant pour la psychanalyse de la comparer il la religion, car cette dernière n’est qu’un immense bourrage de crâne depuis l’enfance.

  1. Ce bourrage de crâne est évident chez certains. Mais il y a aussi une difficulté humaine il être libre. Si bon nombre de prêtres vivent encore dans la dynamique selon laquelle la religion est un code positif face au mal de la vie, alors oui, comparer la religion il la psychanalyse est une insulte à cette dernière. En effet, la psychanalyse cherche à subjectiver la personne en lui donnant la possibilité d’être elle -même. La confession dira: «Je ne suis que mauvais, je demande pardon pour ce que je suis. » La psychanalyse au contraire suit un chemin qui tente de dire de «ne plus se mettre sous la coupe» !

DC Le bourrage de crâne est évident. Il suffit de se rappeler le catéchisme question-réponse ! On a trop axé la formation religieuse sur sa dimension cérébrale, ce qui est finalement un travail assez plat, qui ne va pas jusqu’au bout du travail sur soi, comme peuvent le faire toutes les autres symbolisations. Il s’agit des formes symboliques, comme la poésie et l’art, par lesquelles l’humain cherche à déchiffrer sa vie. Ces symbolisations peuvent donner à l’humain quelques clés de lecture qui lui permettent d’envisager sa vie autrement, selon une autre intrigue.

L’Église a voulu se protéger contre la modernité. Face aux vérités philosophiques et scientifiques, elle a voulu renforcer ses énoncés dogmatiques et affirmer le « savoir» de la foi. Or la foi n’est pas un savoir. Quand on parle de la résurrection, on ne dit pas qu’on affirme une réalité objective qu’il faut prouver comme le scientifique prouve que la terre tourne autour du soleil. La foi ne donne pas un savoir. Or, c’est comme cela qu’on l’a enseignée jusqu’il y a peu.

La foi est de l’ordre de la résolution, d’une manière de faire confiance à la vie pour se résoudre à bien vivre. L’Évangile ne dit pas ce qu’est Dieu, ce qu’est la vie, mais il donne il déchiffrer des résolutions pour savoir comment vivre, comment être en relation avec ce mythe de l’origine, de notre destinée, de la liberté. C’est là que j’aimerais qu’on puisse appréhender la possibilité de relation entre la religion et la psychanalyse.

Question: Mais la psychanalyse est-elle encore capable de parler de culpabilité?

  1. Il y a une culpabilité dans l’éducation qui est nécessaire. Sans culpabilité, il n’y a pas de possibilité d’intégrer la loi. C’est la culpabilité saine, celle qui permet de dire son envie en prenant conscience du désaccord avec la loi. Par contre il y a une culpabilité névrotique qui est liée à des désirs inconscients. On se sent coupable, mais on ne sait pas de quoi. C’est là qu’intervient le travail psychanalytique; il doit permettre de réaliser qu’on est coupable d’une vraie chose et non d’un désir incontrôlé. On ne retrouve pas cette dimension dans un confessionnal.

DC Quand Jésus opère une guérison, une pratique courante à l’époque, il dit toujours: «C’est ta foi qui te sauve. » Ce qui est en cause, c’est la «sôtèria» et la «pistis ». La sôtèria, c’est la santé et le salut: ce qui te délivre, ce qui te permet de mieux voir ta vie, d’être mieux ajusté à elle (et non promesse d’un paradis futur). La pistis, c’est la confiance, c’est quand j’accorde du crédit à la vie, à moi-même. C’est un dynamisme qui me permet de rebondir. Jésus n’invite jamais à passer dans l’ordre d’un énoncé dogmatique, il invite à retrouver le dynamisme de la confiance.

Malheureusement, l’Église a transmis l’idée qu’il y a une faute à expier, que la vie est mauvaise, qu’il y a un Dieu extérieur et compatissant qui vient garantir un salut dans une vie ailleurs et autrement. En réalité, c’est une vision perverse, qui a été dénoncée par Nietzsche de manière géniale: « Le chrétien est éduqué dans la haine de la vie. » Or l’Évangile nous dit le contraire. Le Royaume de Dieu est au-dedans de 1 ‘homme. Il est la possibilité de son propre renouvellement, de sa naissance à lui-même, de son enfantement dans son intériorité, dans son désir, dans sa liberté. C’est à chacun à faire ce travail. Le péché, selon Kierkegaard, c’est vouloir désespérément ne pas être soi-même. Le salut est donc un retour à soi-même, pour que son entité personnelle soit restaurée.

Question: Votre intervenant n’est-il pas très éloigné des jeunes nouveaux prêtres que nous rencontrons aujourd’hui?

De. Tous les secteurs du rapport à la société sont en crise et la religion est tentée de se replacer comme celle qui détient le discours vrai. Il s’agit pour elle de faire à nouveau fonctionner la fonction de consolation. Ceci implique donc un repli identitaire, et ce repli se vit dans les symbolisations religieuses. Il s’agit de sur-valoriser la fonction sacrée, celle du prêtre en l’occurrence. Nous assistons aujourd’hui à un retour de cette optique.

Question: Dans la rencontre psychanalytique, est-ce qu’il est tenu compte des convictions philosophiques et religieuses? N’y a-t-il pas une obligation de neutralité?

  1. La neutralité consiste à respecter la façon dont on se situe dans qui l’existence. Mais par rapport à ceux vivent la religion dans un enfermement ou qui utilisent la religion comme un maître il penser, comme un sur-moi, j’essaye de mettre en route un travail pour dépasser cetteattitude.

Question au prêtre: Que diriez- vous il quelqu’un qui vient vous dire: «Je me sens coupable» ?

DC L’accompagnant spirituel doit pouvoir dire qu’il est impuissant. Je dirais donc ceci il mon interlocuteur: «Je crois que ce qui serait bon pour vous, maintenant, c’est quelque chose de l’ordre de la psychanalyse ou de la thérapie. » Des nœuds et des blocages nécessitent une autre intervention que celle de l’accompagnateur spirituel, car celui-ci n’a ni les compétences ni les moyens pour assurer un tel suivi.

  1. J’apprécie surtout le« naitre à soi-même» dont j’ai entendu parler. Le point commun entre la psychanalyse et la religion, il condition que celle-ci soit bien lue et bien comprise, c’est qu’elles permettent toutes les deux d’aller, par des chemins différents, vers une meilleure naissance de soi et vers moins de déracinement.

Notes rédigées a l’audition par Philippe LIESSE

 

Une page de réflexion

par Jacques Valéry

Dans l’Eglise il y a deux types d’affirmations qui sont présentes :

L’exigence RADICALE de Jésus selon laquelle si on n’œuvre pas pour la justice – si on ne donne pas à manger à ceux qui ont faim, à boire à ceux qui ont soif, si on ne va pas voir les prisonniers,…- rien à faire, Jésus est d’une radicalité…et il met les gens en enfer avec une facilité assez invraisemblable : « je ne te connais pas ». D’autre phrases de ce type : « Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur, » ou encore l’affirmation de St. Jean: « Qui dit qu’il aime Dieu qu’il ne voit pas … » Exigence de JUSTICE comme critère de salut ; hors de la justice, pas de salut.
Il y a aussi cet autre affirmation : « Pardonnez 77 fois 7 fois,… » « Soyez miséricordieux … » C’est ce qui se révèle sur la croix : Jésus n’est pas venu condamner, mais sauver la monde. C’est alors que nous étions pécheurs que Dieu nous a aimé. C’est la preuve de son AMOUR

Ces affirmations  sont souvent juxtaposées et non articulées. Quand elles sont juxtaposées, cela ne va pas.

Dans l’Eglise, il y a un courant qui prend l’exigence de justice comme le courant absolu, d’autres prennent l’autre courant. Comment voir les histoires ? Prenons deux éléments dans la Bible : l’histoire de Lazare et le mauvais riche et l’histoire de Jésus (sur la croix).

Lazare n’avait rien à manger, le mauvais riche en avait beaucoup de trop et Lazare ne recevait rien que les miettes… Après, ils se retrouvent dans l’au-delà, il y a un abîme entre les deux. La discussion se fait entre Abraham et la mauvais riche et le mauvais riche aimerait quand même bien aller de l’autre côté, … Impossible dit Abraham, « Laisse moi au moins aller prévenir les miens… » « Impossible » etc.. nous connaissons l’histoire.

Donc le mauvais riche voudrait faire quelque chose et Abraham ne veut pas. Alors, en moi, je prends parti pour lui ! Quand c’est sur la terre, je prends parti pour Lazare ! Il y a là une image de Abraham, donc de Dieu, du Père, qui finalement est une image très dure. Je crois que finalement ce qui ne va pas, c’est que dans ce contexte on n’a pas donné la parole à Lazare. J’admire le refus de Abraham de pardonner – mais il faudrait poursuivre et entendre une autre parole de Abraham à Lazare : « Et toi, Lazare, que dis-tu ? » ou bien Lazare qui dirait à Abraham – à Dieu – « Pardonne-lui comme moi le lui ai pardonné ». Et à ce moment là, selon ce que je crois de Dieu, ce sera la joie de Dieu, de donner au mauvais riche d’entrer dans le Royaume. Ce n’est donc pas Dieu qui fait entrer le mauvais riche dans le Royaume, c’est Lazare. C’est une parabole qui me fait penser ceci de la représentation de Dieu :

Dieu ne se permet pas de pardonner à la place de ceux qui ont été les victimes. Si jamais Dieu pardonnait à la place de Lazare, Lazare à nouveau dans le Paradis serait victime. Dieu de ce côté là est intraitable, Il dit: « Non, non et non je ne peux pas. » Et dans son cœur : « Si jamais Lazare pardonne, là, ce sera ma plus grande joie, parce que quant à moi, »- et là reprenons ce qui est au centre de notre foi, ce qui se passe sur la Croix -« quant à moi, dit Jésus, quand la violence m’a été faite, quand j’étais écrasé, je me suis trouvé devant un Père qui n’a pas pardonné à ma place, mais qui a pardonné à ma prière. » C’est à la prière de Jésus que le Père a pardonné. On ne peut pas avoir de court circuit dans le pardon, en passant au dessus de celle ou de celui qui a été écrasé. Si jamais le Père pardonnait aux hommes ce qui a été fait, sans une seule parole de Jésus, Jésus serait à nouveau victime. Ce qui nous donne à penser au niveau de la représentation du Royaume, du Jugement Dernier, non pas une relation duale (ou duel ?) mais triangulaire dans laquelle il est clair qu’au niveau théologique, quant à Dieu, de son côté, son Amour est inconditionnel, sa Miséricorde inépuisable; quoi qu’on fasse, rien ne pourra nous séparer de son Amour. Mais Lui dit ceci :

Supposons que X vienne et dise « je t’aime, je t’aime Dieu, je voudrais entrer au Paradis… Moi je peux dire : X, je t’aime, mais je n ‘ accepte pas que tu dises que tu m’aimes, alors que tu écrases ceux qui sont plus moi-même que moi-même ! Si j’acceptais ta parole d’amour, eh bien moi, je maltraiterais, j’écraserais à nouveau ceux que tu as déjà écrasé. Je ne peux pas être complice à nouveau de cette violence. » Et donc le refus du pardon dans ce cas là, c’est une affirmation positive de l’Amour de Dieu pour ceux qui sont les plus pauvres, ceux qui sont écrasés. Ce n’est pas l’aspect intraitable de Dieu, c’est l’aspect intraitable de son Amour.

Je crois finalement que Dieu nous dit: « Ce n’est pas moi qui peux pardonner à Hitler, que diraient les Juifs ?, mais si les Juifs pardonnaient à Hitler, ce sera ma joie de la recevoir lui aussi. » Je ne sais pas s’ils vont pardonner; il y a une espérance de Dieu au niveau du Royaume dont Il nous a remis les clefs ; et lorsqu’Il dit: « Ce que vous lierez sera lié, ce que vous délierez sera délié… », ce n’est pas dit seulement à Pierre mais aussi à la communauté. C’est à dire que notre parole de pardon n’est pas une petite parole pour faire des petits pardons comme cela, mais c’est vraiment quelque chose qui engage et qui réalise déjà le Royaume.

Ce Royaume où nous serons tous ensemble heureux, heureux les uns des autres, nous ne le recevons pas de Dieu uniquement, mais Dieu le reçoit de nous, c’est Dieu qui reçoit de nous d’être dans le Royaume; je le reçois de ceux que j’ai écrasé, et peut-être que les uns et les autres on le reçoit les uns des autres; c’est dans cette perspective là qu’on peut dire qu’on sera heureux de se faire entrer les uns les autres dans ce Royaume.

Qui juge celui qui est victime ? Qui juge celui qui est écrasé ? C’est Lui qui est Le Jugement Dernier ? Dieu ne veut pas prendre le droit de juger à la place de ceux qui ont été victimes. Si je dis cela, – (nul ne peut dire Père si ce n’est dans l’Esprit)- quand je dis à Dieu ce n’est pas Dieu qui a le droit de juger, c’est comme si je prenais pouvoir sur Dieu, mais je crois que ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Esprit d’Amour en moi qui dit cela. Dans le Notre Père, il y a quelque chose de cela : « Pardonne-nous comme mous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » Le cœur du Notre Père dans lequel il y a ce pardon, cette inversion n’est pas une erreur. Proposer à Dieu de pardonner comme nous nous pardonnons, c‘est vraiment quelque chose que l’on ne peut dire que dans l’Esprit, autrement qui serait-on pour dire à Dieu de nous prendre comme modèle? Si on comprend la Justice qui est le critère de l’Amour et l’Amour qui est le lieux de la Vérité de la Justice, j’ai l’impression qu’on réarticule en même temps l’exigence éthique et le pardon infini dont on ne sait pas s’il existera mais dont on peut espérer qu’il nous sera donné par les autres – si on vit dans l’Esprit d’Amour de Dieu.

Question : Et si Lazare ne pardonnait pas?

C’ est une question; nous n’avons pas pouvoir pour affirmer que nous serons tous dans le Royaume. .La distinction entre le ciel et l’enfer, même s’il n’y a personne en enfer, est une distinction qui me semble intellectuellement intéressante :

C’est une distinction qui laisse la possibilité aussi bien pour celui qui ne veut pas être au ciel de ne pas y être, que la possibilité de la Justice, c’est à dire l’exigence de justice qui est au cœur des gens que ceux qui ont écrasé les autres pendant toute leur vie de manière consciente etc.. en responsabilité, qu’il n’y ait pas un automatisme au niveau du Royaume.

Le Royaume est un concept qui relève de l’ordre de l’Amour : de l’amour entre Dieu et les hommes, des hommes entre eux ; et un amour qui ne serait pas ancré, fondé sur la justice, ce serait plutôt une fuite, une désar- ticulation de ce que nous sommes.

Oui ou non, celui à qui j’ai fait du mal va-t-il me pardonner ? Je ne le sais pas ! Mais, là je justifie mon espérance, au niveau théologique, si Lazare qui est lui dans le Paradis (au niveau de la représentation) , donc qui vit de l’Esprit de Dieu, moi je dirais – si vraiment Lazare vit dans la relation de 1’Amour avec Dieu, quand entre Lazare et Dieu c’est une relation mutuelle, de réciprocité, de partenaire et que entre eux c‘est un esprit d’Amour – ce qu’on appelle l’Esprit de Dieu – non pas Esprit propriété de Dieu mois l’Esprit d’Amour de Dieu – moi j’espère que Lazare pardonnera au mauvais riche ; j ‘espère non pas seulement en me basant sur Dieu qui me connaît plus qu’un autre mais en me basant sur l’Amour qui est entre Lazare et Dieu.

La Pénitence

Le souci de cohérence entre vie quotidienne et pratiques liturgiques et sacramentelles se cherche dans tous les domaines de la vie chrétienne. Ainsi, le pardon ne se vit pas d’abord dans le secret du confessionnal ou du tête-à-tête avec le prêtre, qui en serait le ministre, mais dans la profanité de l’existence.

Chaque fois que se vivent des relations difficiles, conflictuelles, et qu’au lieu de s’enfermer dans l’incompréhension et le rejet, on s’ouvre à nouveau à l’écoute, à l’accueil de l’autre, à l’entraide, à la solidarité, l’attitude pardonnante n’est-elle pas déjà marquée de la présence du Seigneur, n’est-elle pas déjà sacramentelle?

Lorsque, descendant en soi, au tréfonds de sa conscience, on rectifie son jugement et peu à peu son agir, n’est-on pas déjà sur la route de la paix? Et faut-il attendre la bénédiction du prêtre pour que Dieu soit au cœur de cette œuvre de réconciliation?

Le chrétien qui vit ce chemin d’ouverture et de réconciliation peut difficilement penser que Dieu, se liant à l’organisation sacramentelle de l’Église romaine, reste à l’écart de cette démarche pénitentielle, et qu’il faudra attendre l’opportunité d’une rencontre avec le prêtre pour rentrer dans l’Alliance avec Dieu et retrouver la paix intérieure.

Cependant, il est bon et vivifiant de pouvoir, à certains moments, se retrouver en communauté, avec ceux qui ont foi en la présence du Seigneur, pour célébrer son amour, son pardon qui nous est toujours offert. La liturgie de réconciliation est alors moins tournée vers nous que vers Dieu, pour le célébrer, lui qui le premier nous a aimés, et qui continue à nous aimer au-delà de nos fautes, voire de nos graves déchirures.

Dans l’action de grâce, on célèbre ensemble cette prise de conscience renouvelée, affermie, que Dieu est amour, lui dont la fidélité surpasse tous les aléas d’un monde en difficile recherche de son humanité.

Le pardon sacramentel de la vie quotidienne prend une nouvelle ampleur lorsque la communauté se réunit dans la reconnaissance de la présence et de l’amour indéfectible de Dieu, source de tout amour, de son envoyé Jésus Christ, et de l’Esprit de sainteté qui est partout en travail dans l’univers.

C’est dans le concret des relations aux autres que se vit le renoncement à son moi impérieux, l’effort de compréhension d’autrui, de justice et d’entraide. C’est là, et non au confessionnal, que s’élabore la réconciliation, que se vit le pardon. Sans devoir attendre la bénédiction du prêtre pour que Dieu y soit de la partie.

Telle est l’expérience vécue par de nombreux chrétiens, convaincus que c’est dans les tensions et conflits, petits ou grands, de la vie de tous les jours que résonne l’appel au retournement du cœur, à la conversion.

L’Esprit de sainteté étant au cœur de ce combat intérieur, ils se savent ministres de la réconciliation, qui est en réalité sacramentelle dès le moment où l’amour resurgit au sein du conflit. Jésus ne dit-il pas, en s’adressant à la foule et plus seulement à Pierre: « En vérité je vous le déclare, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié au ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié au ciel » (Mt 18,16).

Comme il est bon, ensuite, lorsque nous sommes réunis en communauté, de célébrer dans l’action de grâce le Dieu de justice et d’amour, qui est présent et à l’œuvre dans nos chemins de conversion. Ainsi, ce que vivent les uns et les autres dans les méandres de leur existence personnelle se concentre en une célébration commune, où se fortifie la foi en l’amour inlassable de Dieu, qui invite à s’impliquer davantage dans notre univers en quête de fraternité.

Auteur inconnu

Prière pour les cendres

Les cendres…

De la poussière entraînée au gré du vent, de la saleté qui s’infiltre partout et dont on cherche à se débarrasser,

C’est ce qui reste quand tout est brûle.
C’est une ville en cendres à cause de la folie meurtrière des hommes. C’est une amitié en cendres à cause de l’égoïsme réciproque, c’est l’amour d’un homme et d’une femme, détruit a cause de l’orgueil dans le cœur de chacun.

C’est la beauté réduite en cendres,
C’est tout ce qui reste lorsque nos espoirs sont brisés et ce sont les cendres dernières qui subsisteront lorsque notre vie sera arrivée en bout de course.

Qu’est-ce donc que l’homme?
Il n’est capable de rien construire qui un jour ou l’autre ne finisse en poussière. Les cendres sont le signe de notre petitesse et de notre radicale pauvreté à créer quelque chose qui dure.Lorsque David, le jeune et brillant roi d’Israël se rend compte de son péché, il se recouvre de cendres. Lorsque saint Louis sent venir la mort, il se fait coucher sur un lit de cendres pour aller à la rencontre de Dieu. Recouvert de cendres comme d’une boue gluante, le roi est méconnaissable. Il n’y a plus d’or, ni de puissance, ni de séduction, ni de jeunesse.

Les apparences sont tombées
et sous les cendres il ne reste qu’un homme avec son péché et sa faiblesse, attendant de son Seigneur d’être lavé, débarrassé de la saleté et reconduit dans la salle du festin.

Les cendres, c’est la fin de mes apparences,
De mon orgueil, de mon cinéma, de mon importance.

C’est la fin des masques
Que j’aime porter pour faire bonne figure. C’est la fin de mon personnage.

Ce n’est pas triste, c’est tant mieux…
Car me voilà débarrassé de tout ce que je crois essentiel pour vivre: mes gadgets, mes possessions, mes réceptions, mon tape-à-l’œil, mon paraÎtre.

Si je regarde les cendres
Ce n’est pas pour m’enfoncer dans ma misère ou pour me barbouiller de mes échecs ou pour me répéter que je ne vaux rien et que je n’arrive à nen.

Il me faut accepter les cendres pour regarder ce que je risque d’être si je ne me dresse pas de toute la force de mon esprit et de mon cœur.

Il me faut accepter les cendres
Pour me rappeler qu’on se relève de l’échec et que sous la boue et la saleté il y a toujours des merveilles cachées.

Il me faut accepter les cendres
Pour me signifier ma faiblesse, mais surtout pour me faire crier que je suis capable de dépasser ma petitesse, d’être plus grand que ma fragilité, et que de mes mains je suis capable de construire des choses qui durent, de faire surgir l’amour, de rendre l’espoir, de caresser avec tendresse, de mettre un terme à la misère, d’être le compagnon de Dieu.

Alors, amis, prenez les cendres dans vos mains et regardez.
Sous les cendres, des braises se mettent à rougeoyer.
Si le vent se met à souffler, les flammes prendront la nuit et rejetteront les ténèbres.
Amis, dressez-vous de toute votre stature qui est celle même de Dieu. Regardez: sous la poussière,
Il y a de la graine de Dieu,
Enfouie.
Regardez: Dieu vient nous chercher
Quelle que soit notre apparence.
Écoutez: Dieu fait souffler le vent,
Et sous nos cendres
Le feu se lève,
Et c’est le grand flamboiement de notre amour.